Appelle-moi Viator, c’est mon nom de marcheur…
 

Viator, le voyageur…

J’ai entrepris un voyage en effet, et qui m’a mené assez loin – jusqu’aux confins du monde ! Et jusqu’à mon point de départ, tant il est vrai que le monde forme une grande boucle… Je suis parti de A, et mon voyage m’a mené jusqu’à Z. Et jusqu’à A. À la fin, toutes les lettres, toutes les cartes étaient entre mes mains. Régulièrement, au terme de chacune de mes étapes, je t’ai proposé de me retrouver, ici, sur ce site. À chaque fois, nous nous sommes raconté ce qui nous était apparu, ce que nous avions vu disparaître. Ce que nous avions compris, et ce que nous avions oublié… Pas à pas, nous avons ainsi élaboré un carnet de voyage – comme un grand poème tissé de récits, d’images, d’impressions, d’idées…, autour des 26 lettres de l'alphabet (au bas de cette page). Ici et là, surgirent également des vestiges de la la Grande Bibliothèque disparue

Aujourd’hui, le voyage reprend. Mais comme le jeu est complet maintenant, notre tâche ne consistera plus à rechercher les cartes manquantes, mais à jouer avec, tout simplement.

…Mais qui est Viator, le voyageur ?

Viator : tel est le terme qu’utilisaient les métaphysiciens et les mystiques médiévaux pour désigner l’homme. Car celui-ci entreprenait un voyage vers l’Être, ou vers Dieu, qui ne devait jamais prendre fin ici-bas. Notre voyage, s’il n'a pas non plus de terme assignable, ne mène cependant pas vers une quelconque transcendance : il est un voyage immanent. Il ne va pas au-delà, mais ici même, dans l’épaisseur du monde et des autres. Il ne va pas vers l’Être, mais au fond de l’être – ou des êtres, de leur proliférante multiplicité, de leurs fugitives apparitions. Mais c’est la même lumière qui les baigne tous…

Ce voyage passera par toutes les lettres, du A jusqu’au Z, et dans n’importe quel ordre. Régulièrement donc, à chaque nouvelle lune, le sort nous livrera le contenu d’une lettre. Une lettre par mois lunaire. Les étapes vont en effet de lunes en lunes, allez savoir pourquoi… De A à Z, donc, et dans n’importe quel ordre. Est-ce à dire que Viator finira par tout parcourir ? qu’il s'arrêtera lorsqu’il aura atteint le terme de son voyage ? que la grande roue du jeu cessera un jour de tourner ? Non, bien sûr ! Le voyage est sans fin, et de nouveaux chemins s’ouvrent perpétuellement devant le voyageur. Le voyage est sans fin, mais le carnet de voyage est fini : il contient toutes les lettres, qui renvoient chacune à un type de situation, à un type de paysage. Et pourtant, rien de ce que le voyageur rencontre n’y est jamais exactement retranscrit : la réalité est toujours plus grande, toujours plus surprenante que ses meilleures évocations.

Toutes les lettres, du A jusqu’au Z, et dans n’importe quel ordre : le carnet de voyage se lirait plutôt comme on parcourrait, dans tous les sens, la spirale d'un jeu de l’oie, avec des lettres, ou des cases qui sont des prisons, d’autres qui vous propulsent ailleurs, partout. D’autres encore qui remettent en cause tout le voyage, qui pourraient détruire tout le jeu. Du A au Z, dans n’importe quel ordre, ce carnet serait donc moins une spirale qu’un labyrinthe, où les lettres se mélangent, se perdent, tellement qu’elles ne se retrouvent jamais – qu’elles se trouvent toujours.

Du A au Z, ou de n’importe quelle lettre à n’importe quelle autre lettre.

Chaque page du carnet est aussi une carte (un plan du voyage), aux tracés forcément incertains, que le voyageur déploie devant lui. À chaque étape, une autre carte. Ne pas oublier de replier la carte, ou de la replacer dans le paquet, et de bien le mélanger avant de marcher, avant de jouer !

Ce carnet n’a donc pas de terme. Mais il est possible qu’un jour, celui-ci cesse de se manifester sur ce site – qui pourrait le savoir ? Mais ce ne serait pas parce que tout aura été dit : ce serait juste parce que le chemin aura bifurqué, que le paysage se sera transformé. Le temps de ce carnet de voyage est inévitablement limité, car les bifurcations sont nombreuses, les transformations incessantes. Le voyageur de l’immanence vit dans l’imminence du changement. Changement radical : à chacun de ses pas, tout meurt, tout naît.

Voici donc un site à consulter en marchant. Un carnet de voyage à lire comme on marche. À abandonner s’ils empêchent de marcher.

… Bonne route, Viator, et bon vent !

                                                    s.o.